• 06 - Le plan du désespoir

    06 - Le plan du désespoir

     

     

    - ARGHTTENDEZ !!!

    Cette exclamation s'avéra suffisamment ridicule pour que notre tortionnaire daigne s'interrompre, le temps de m'accorder un regard où pitié et exaspération cohabitaient. Rien de bien étonnant : globalement, je devais avoir l'air assez misérable.

    Je m'apprêtai à débuter un plaidoyer imparable, mais un éternuement bruyant fut tout ce qui consentit à sortir de ma bouche. Bon, décidément, aujourd'hui n'était pas un jour où la classe daignerait me toucher. La concierge m'adressa cette fois un regard venimeux, m'indiquant clairement que j'avais intérêt à la boucler pour de bon si je ne comptais pas proférer quoi que ce soit d'intelligent.

     

    Je reniflai un coup avant de poursuivre :

    - Ça va, je vais vous l'activer, le Topinambour ! Laissez cette tête d'orque tranquille, monstre !!!

    Le temps se suspendit un instant, avant de reprendre son cours au claquement de langue émis par mon interlocutrice.

    - Vous n'êtes pas drôle, Osthinse. Je n'avais même pas commencé quoi que ce soit.

    - Bah c'était un peu le principe en fait, vous stopper avant qu'y aie le moindre dommage.

    Rien qu'en le voyant de dos, je pouvais sentir à quel point Samil' était tendu. Hors de question de lui infliger plus que cela.

     

    La concierge vint se planter devant moi. À ma grande surprise, elle appliqua le Topinambour sur mon front.

    La surprise en question dû se tartiner sur mon visage, car l'horrible traîtresse ajouta avec un sourire narquois :

    - L'activation nécessite un contact physique avec son propriétaire, c'est tout. Personne n'a dit qu'il fallait forcément l'avoir entre les mains pour ça. Ne me dites pas que vous comptiez là-dessus ?

    Pour tout dire, si. Enfin, peu importait, au point où nous en étions, tout ce que je désirais était de nous sortir de ce merdier ; en plus je sentais bien que j'étais en train d'attraper un rhume à force de macérer dans mes vêtements et ma chevelure humide.

     

    Cependant et étrangement, la texture rugueuse du Topinambour contre mon front semblait me rassurer. J'ignorais si la magie qu'il renfermait en était la cause, toujours était-il que depuis qu'il se trouvait en contact avec ma peau, je commençais à me sentir légèrement plus serein.

    - Activez-moi ça, crétin.

    Q-quoi ?! Mais elle ne mâchait pas ses mots, en plus ! Profondément vexé, je m'appliquai à arborer l'expression la plus renfrognée de mon catalogue facial, histoire de lui faire sentir tout ce que je pensais de ce traitement, ceci en dépit de ma collaboration résignée.

     

    J'ouvris la bouche et lâchai les mots d'activation du tubercule :

    - Crocuta, crocuta !

    De concert s'élevèrent du Topinambour une douce lueur verte et un léger chuintement presque mélodieux. Quelques secondes plus tard, les deux s'étaient déjà évanouis, et pourtant subsistait en moi une délicate torpeur, comme si le petit tubercule m'avait conforté en chantonnant.

     

    La concierge l'éloigna sans tarder de mon front, ne pouvant retenir un ricanement au passage.

    - Eh ben voilà, c'était pas compliqué !

    - Vous comptez toujours pas me dire ce que vous allez foutre avec ?

    - Certainement pas. Les plans secrets, ça se garde.

    Effectivement, les dernières minutes m'avaient appris qu'elle ne semblait pas du genre à monologuer sur ses sombres desseins.Tant mieux pour elle.

    - Bien, sur ce, vous m'excuserez mais comme vous vous en doutez, j'ai à faire. Merci de ne pas avoir fait traîner les choses plus que nécessaire, Osthinse.

    Sans rien ajouter de plus, elle commença à remballer son affreuse mallette.

    - Vous... heu, vous n'allez pas nous détacher ? demanda timidement Samilduerg.

    - J'en ai l'air ? rétorqua t'elle.

    - Pas vraiment, non... concéda à regret mon ami.

     

    Super. Il était temps de mettre à exécution mon plan du désespoir, celui qui allait nous sortir de là une bonne fois pour toute, tout en se jouant sans aucun doute à très peu de choses près. Un peu de courage semblait couler à nouveau dans mes veines, mais cela ne m'empêchait pas d'appréhender les innombrables échecs possibles.

     

    J'attendis en silence que la concierge termine son rangement et repasse devant moi. Fort heureusement, l'une de ses mains était occupée par la mallette, et dans l'autre se trouvait le Topinambour. Excellent.

    Une étrange constatation lucide m'étreint soudain : elle portait toujours ses gants de jardinage. Était-ce par simple étourderie, ou volonté de ne laisser aucune empreinte digitale ? En cas, je pris note de toujours me méfier des gens portant des gants de ce type.

     

    Puis dans un élan rageur, j'utilisai toute la force disponible dans mes gambettes pour nous propulser, moi et la chaise, sur mon ennemie. La surprise paralysant deux secondes cette dernière, j'en profitai pour lui arracher le Topinambour des doigts à l'aide de mes dents.

    Le tubercule tomba à nouveau à terre, et je m'empressai de venir re-coller mon front contre lui avant de glapir le plus rapidement possible les mots que j'avais soigneusement choisis :

     

    - Transporte-nous en lieu sûr, Samilduerg, la tête d'orque et moi !!!

     

    Une lueur verte, et plutôt agressive cette fois, se répandit dans la pièce. Par-dessus une mélodie abstraite plus claire que jamais, j'entendis un cri de rage de la part de la concierge, suivi par un choc brutal contre ma tempe... avant que toute sensation ne disparaisse.

     

     

    Nous étions enfin tirés d'affaire.

     

     

     

    « 05 - Des silences à la pelle07 - Juste quelques choses. »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :